François Feutrie

DÉMARCHE ARTISTIQUE EN RÉSIDENCE

Dans mon travail j’explore les normes & les standards, qu’ils soient esthétiques, graphiques, architecturaux, paysagés, etc. Je repère des éléments récurrents dans mon environnement proche et en propose une réutilisation et une interprétation souvent contextuelles.
En résidence à Passerelle, je développe un travail sur le processus de transformation d’un élément paysagé en icône, en standard, en stéréotype, qui est la topiaire. Cet élément est l’icône d’une esthétique paysagère standardisée ou stéréotypée véhiculée entre autre par la photographie ou le cinéma. On peut retrouver des topiaires, dans des films historiques ou fantastiques, citons par
exemple Barry Lyndon de Stanley Kubrick et Édouard aux Mains d’Argent de Tim Burton. Emblème d’un paysage et d’un territoire particulier, la topiaire peut être associée entre autre aux jardins dits
« à la française ». Je cherche par quel moyen cet élément est devenu un icône, ou plutôt je questionne ce qui en fait un stéréotype et un standard paysagé.

PROJET D’EXPOSITION
Je me suis concentré sur le gabarit, sorte de patron et outil servant dans l’art topiaire à venir appliquer une forme sur l’arbre à tailler, donc à standardiser & contraindre la nature, dessiner & sculpter par extraction de matière un paysage. André Le Nôtre, jardinier du roi Louis XIV de 1645 à 1700, a notamment conçu l’aménagement du parc et des jardins du château de Versailles. Les gabarits, appelés également « cartons », utilisés pour tailler les topiaires à l’époque et encore de nos jours seraient conservés à Versailles.

À Passerelle, je propose de dessiner le paysage de l’exposition par une tentative d’épuisement et de sur-utilisation de cet outil.
L’exposition à Passerelle questionne différentes notions sur le paysage et différents éléments constituant la nature même de ce que peut être un paysage [interprété et vu par le prisme d’un outil de standardisation] : le point de vue, le paysage synthétique & factice, le paysage sacré & symbolique, le paysage comme construction humaine ou encore comme décor, le paysage comme représentation & reconstruction mentale humaine.

L’EXPOSITION
1. J’ai d’abord réalisé un décor ou carte postale d’un paysage factice et fantasmé, référence au cinéma et à la traduction anglaise du mot « paysage » : Scene/Scenery => Décor/paysage. L’installation a été pensée frontalement. La notion de surface est appuyée par la mise en espace particulière et frontale des sculptures/gabarits créés, par les images projetées et par le traitement en surface des contre-formes extraites des gabarits.

2. Utiliser le gabarit comme outil pour dessiner le paysage de l’exposition, la scénographier. Je propose de questionner le gabarit, dans ce qui en fait un outil de standardisation du paysage, un outil de fabrication d’un icône/emblème paysagé qu’est la topiaire. Dessiner le paysage de l’exposition par une tentative d’épuisement du gabarit/carton, outil servant à dessiner et standardiser un paysage géométrique de jardin à la française. Le gabarit fait également référence à ma pratique de graphiste. On utilise des gabarits en design graphique pour réaliser des mises en page. En graphisme, on appelle « réserve » ou « défonce » la partie laissée en blanc dans un fond imprimé ; dans l’exposition les ombres portées des gabarits font écho à ces « réserves ».

Essais d'installation dans l'espace, décembre 2013
Essais d’installation dans l’espace, décembre 2013

Dans une tentative d’épuisement ou de sur-utilisation de cet outil, le gabarit ayant déjà un aspect sculptural et totémique est décliné en prisme photographique. Les sculptures gabarits dans l’installation, servent de cache à des projections de « monochromes texturés ». L’ensemble est suffisamment abstrait pour nous plonger dans un univers étrange & synthétique.

3. Création de pièces avec des matériaux imitant la nature : nature synthétique, nature symbolique.

Vue d'atelier, janvier 2013
Vue d’atelier, janvier 2013

Vue d'atelier, janvier 2013
Vue d’atelier, janvier 2013

Vue d'atelier, janvier 2013
Vue d’atelier, janvier 2013


ASSEMBLAGE DE SCULPTURES
Dans l’esprit d’un cabinet de curiosités & de classification scientifique, les contre-formes extraites des gabarits mêmes et les restes des panneaux dans lesquels ont été découpés les gabarits, sont redécoupées dans différents matériaux puis, assemblés et déclinés en support, étagère, présentoir, sorte de mini autel supportant des contre-formes. Certaines sont en bois brut ou en plexiglas, d’autres sont peintes ou encore recouvertes avec un revêtement adhésif Venilia imitant la nature (roche, bois). Les couleurs et les matériaux utilisés se retrouvent dans les images projetées à travers les gabarits. On se rapporte ici à la nature factice & synthétique rappelant l’idée du décor dans le cinéma. La forme, la disposition, la mise en scène & la mise en espace des éléments en bois et en plexiglas replaqués par des éléments de nature factice rappellent un univers sacré ou une collection d’éléments géologiques et géométriques extraits d’un paysage synthétique. D’une certaine manière, les contre-formes deviennent le support photographique des images projetées et recadrées par les gabarits. Les contre-formes sont réalisées en utilisant les principaux panneaux de bois standardisés vendus sur le marché (OSB, MDF, contreplaqué, aggloméré) et du plexiglas, permettant une certaine variété dans les sculptures assemblées. Tel un jeu de construction, l’assemblage des sculptures géométriques est pensé comme on construit un paysage de jardin à la française, avec des formes géométriques, cette fois-ci, issues des contre-formes des gabarits mêmes. Les contre-formes sont déclinées en éléments de décor, en mini-sculptures assemblées reconstruisant un paysage standardisé. L’assemblage en strates des sculptures rappelle celles géologiques pouvant symboliser également les différents niveaux de lecture & de compréhension de l’installation. En explorant la frontière entre un paysage produit et un paysage naturel, cet assemblage et l’installation proposée, nous rappellent qu’un paysage peut-être construit, voir même jusqu’à être imité sous la forme d’une nature synthétique & factice. Les sculptures sont à la fois des objets autonomes et des éléments de scénographie, formant le paysage de l’exposition.

> Rationalisation, abstraction et schématisation de la construction d’une nature synthétique & d’un paysage standardisé & factice

L’agencement de ces matériaux à l’esthétique standardisée et le design en kit des sculptures font écho à ceux utilisés dans l’aménagement d’intérieur. Le titre de l’exposition « Paysages d’intérieur » en fait entre autre référence. Ces sculptures pourraient être assemblées complètement différemment dans un autre espace.

Installation dans l'espace d'exposition, février 2013
Installation dans l’espace d’exposition, février 2013

Installation dans l'espace d'exposition, février 2013
Installation dans l’espace d’exposition, février 2013

installation dans l'espace d'exposition, février 2013
installation dans l’espace d’exposition, février 2013

IMAGES PROJETÉES, ÉCRAN DE VEILLE, ÉCONOMISEUR D’ÉCRAN

Les images sont projetées avec différentes transitions et fondus enchaînés entre elles, rappelant ceux esthétiquement pauvres et désuets utilisés dans les outils de présentation bureautique standards, tel que PowerPoint ou encore dans les écrans de veille ou économiseurs d’écran d’ordinateur. D’ailleurs, les images préenregistrées des écrans de veille installés par défaut dans les ordinateurs nous font voyager dans des paysages à l’esthétique idéalisée, stéréotypée ou standardisée : désert américain, forêt, montagne, rivière ou bien encore dans ce que l’on pourrait appeler des « monochromes texturés » représentant des gros plans sur différents matériaux naturels ou factices (un gros plan sur des galets par exemple). La nature des transitions dans la projection fait référence formellement ou symboliquement à l’image qui la précède ou la suit (par exemple la transition « bris de verre » avant l’image d’un gros plan sur un carreau en verre présent dans l’espace du fond sur le quai de Passerelle). Les images s’enchaînent comme l’histoire qui se déroulerait de l’exploration d’un lieu. On peut également faire référence ici, entre autre au clip de Kanye West Bound 2, un des exemples multiples d’incrustation sur fond d’images kitsch et exagérément stéréotypées de déserts américains, de paysages idylliques, etc. Dans l’exposition, les images projetées proposent un échantillon d’images photographiées au cours d’une exploration du Centre d’art Passerelle. Elles sont suffisamment abstraites pour nous plonger dans un univers étrange et poétique. Elles sont des gros plans sur :
— des éléments architecturaux du bâtiment (béton précontraint, fissure dans le sol, peinture craquelée au sol, carrelage mosaïque dans les escaliers, carreau de verre au fond du bâtiment, sol maculé de peinture dans la salle des enfants, etc.)
— du mobilier ou des éléments décoratifs dans les bureaux et le bâtiment (gros plans sur la trame imprimée d’un poster, sur un monochrome noir fait par le Directeur du Centre d’art Étienne Bernard, d’une table rouge designée par Enzo Mari, d’une chaise en Formica, de tables maculées de peinture dans la salle des enfants, etc.)
de matériaux utilisés pour les expositions ou d’oeuvres d’artistes exposant à Passerelle (une caisse en OSB et une autre en contreplaqué pour protéger les pièces de l’artiste Wilfried Almendra, du papier bulle, une mousse de protection bleue, l’arrière d’une pièce de Florian Fouché La Petite fille punie)
des éléments OVNIS (le velour du manteau de Wilfried Almendra, une tranche de jambon Top budget mangée pendant le démontage des expositions, des monochromes de couleur se retrouvant dans les sculptures et également servant dans le calibrage d’écran d’ordinateurs ou dans l’impression : RVB & CMJ.)
des objets ou outils que j’utilise (une table de découpe, une pochette à dessins, des cartons de protection maculés de peinture)
des dessins et peintures réalisés en utilisant les gabarits comme pochoirs
des revêtements adhésifs Venilia imitant la nature (marbre, granit, bois, etc.) que l’on retrouve dans les sculptures à côté de la projection.

échantillons d'images photographiées pendant une exploration du Centre d'art passerelle et projetées sur les gabarits
échantillon d’images photographiées pendant une exploration du Centre d’art passerelle et projetées sur les gabarits

LE FABRICATOIRE DE PAYSAGES
L’exposition propose un dispositif que j’appelle Le Fabricatoire de paysages. Les gabarits peuvent être vus comme des emporte-pièces extrayant des éléments visuels ayant nourris mon travail et se retrouvant dans les sculptures issues de ces gabarits. Le Fabricatoire de paysage s’adapte au lieu d’exposition. Il peut prendre différentes formes et propose des résultats différents dans chaque lieu d’exposition. Il extrait des éléments du vernaculaire, du local, donc du contexte dans lequel il est exposé. Il réagence en quelque sorte des éléments contextuels.

TAUTOLOGIE DE L’ESPACE & MISE EN ABYME
Le dispositif de l’installation du Fabricatoire de paysage [décor composé de la projection d’un diaporama d’images à travers des gabarits] a été filmé et recadré frontalement. Le Fabricatoire de paysages est la vidéo-projection recadrée dans l’espace d’exposition et diffusée au même endroit ou a été tournée la scène du diaporama projeté dans le décor des gabarits. Dans l’idée du décor dans le décor et de mise en abyme de l’espace concret, projeté, filmé et imaginaire, Le Fabricatoire de paysages est un tableau de paysages en mouvement renouvelé à chaque nouvelle image projetée. La projection est recadrée en vidéo à l’image des gabarits qui recadrent et redessinent un paysage.

Installation dans l'espace d'exposition, février 2013
Installation dans l’espace d’exposition, février 2013

Le fabricatoire de paysages "Paysages d'intérieurs", 2014 Vidéo HD en boucle, 12 min.
Le fabricatoire de paysages « Paysages d’intérieurs », 2014 Vidéo HD en boucle, 12 min


Du 9 au 13 décembre 2013 : Workshop avec les 4è et 5è années Design de l’EESAB site de Brest


Le 10 décembre 2013 : conférence à l’EESAB site de Brest sur une invitation de Maryse Cuzon.

Conférence EESAB site de Brest

Paysage d’intérieur
Exposition du 8 février au 3 mai 2014, Passerelle, Centre d’art contemporain, Brest.

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Vues d’exposition, photos © Aurélien Mole, 2014.

Le travail de François Feutrie se nourrit d’un parcours triple. À la fois, artiste, graphiste et géologue de formation, ses recherches l’ont conduit à s’intéresser aux formes et outils qui composent un paysage visuel normé et architecturé.

Pour son projet présenté à Passerelle Centre d’art contemporain, il s’arrête sur la pratique classique de l’art topiaire. Née sous la Rome Antique puis consacrée par les chantres du jardin à la française – Le Nôtre en tête – au XVIIe siècle, cette façon de la contrainte du règne végétal fournit les outils à François Feutrie pour construire d’autres paysages. Il s’empare des gabarits de taille de topiaire, contre-formes et patrons des arbustes, pour en projeter la fonction dans l’espace d’exposition. Cette stratégie de déplacement de l’outil avec le dessein d’en revendiquer l’usage autrement et ailleurs donne ainsi vie à une nouvelle expérience d’un territoire orienté, dessiné.
Sur les pas des grands paysagistes, l’artiste se livre à un jeu de composition de nouveaux points de vue sur un paysage synthétique et standardisé où se mêlent formes, contre-formes et matières dans le centre d’art.
Il revient ainsi aux origines même du paysage comme mise en scène sublimée de la nature pour propulser le spectateur dans une expérience visuelle et spatiale, un tremplin vers l’imaginaire. Décors de théâtre, jeux d’assemblage, écrans de veille pourquoi pas, les paysages de François Feutrie prennent vie dans une invitation au voyage et à l’échappée du regard.

Communiqué de presse de l’exposition.

François Feutrie, maniériste 2.0

On trouve dans l’autobiographie du sculpteur maniériste Benvenuto Cellini (1500-1571) la description d’une jolie stratégie qu’il emploie pour déjouer des circonstances défavorables. Madame d’Etampes, ennemie de Cellini, s’était arrangée pour que l’artiste présente au roi François 1er sa dernière œuvre, une sculpture de Jupiter en argent, dans une galerie remplie de merveilleuses copies d’antiques, certaine que l’œuvre ne souffrirait pas la comparaison. Afin de donner à sa sculpture le plus d’effet possible, Cellini plaça au-dessus d’elle une torche et sous son socle quatre billes de bois. Et quand le roi et sa suite pénétrèrent dans la galerie, raconte Cellini, « je fis signe à Ascanio [son assistant] de pousser doucement le beau Jupiter en sa direction : le léger mouvement que j’avais savamment calculé donnait à la statue, par ailleurs très bien faite, l’apparence de la vie. Les statues antiques se retrouvèrent un peu en retrait et tous les regards se portèrent agréablement sur mon ouvrage. » Et le roi de rajouter : « Celui qui a voulu défavoriser cet homme lui a rendu fier service. La comparaison avec ces admirables statues prouve que la sienne est encore plus belle. »

L’anecdote est relevée par l’historien Horst Bredekamp en introduction d’un livre qu’il consacre aux cabinets de curiosités et aux liens inédits qui se trament dans l’Europe du XVIe siècle entre nature, machines et antiques. Or les jardins, particulièrement, mettent en relation une approche normative de la nature, des références antiques et toute une mécanique complexe de fontaines. De jardin et de machinerie, il est justement question dans la vidéo de François Feutrie le Fabricatoire de paysages. Réalisée pendant sa résidence à Passerelle Centre d’art contemporain, l’œuvre prend pour point de départ la topiaire, cet art du façonnage de la nature, typique des jardins à la française : il s’agit de sculpter arbres et buissons en formes géométriques – boules, cubes, pyramides et autres, que l’on empile les uns sur les autres – pour composer ensuite un panorama harmonieux. C’est sans doute parce qu’il vient du design graphique que l’artiste a perçu dans ces découpes d’arbustes les rudiments d’un alphabet, et dans leur organisation stricte, une sorte de mise en page. Durant sa résidence, François Feutrie a d’abord dessiné ses propres gabarits de topiaires – des contreformes simples, sorte de gros peignes, utilisées pour contraindre la matière et lui faire respecter une norme – avant de les disposer comme une petite forêt sur une scène. Il a par ailleurs photographié une série de détails de son lieu de résidence : murs, planchers, pierres, mais aussi jambon, cartons, papier bulle… détails qu’il recadre et agrandit jusqu’à leur faire perdre, à quelques exceptions près, toute dénotation pour ne garder que leur texture abstraite. Enfin, il filme la projection de ce petit documentaire des matières de son environnement sur la scène occupée par les gabarits. La vidéo donne ainsi à voir le défilement d’une cinquantaine de tableaux, composant avec les mêmes reliefs de figures abstraites, et ce dans une variété de transition typique de Powerpoint (« fondu », « damier », « tourbillon », « cube », « paillettes », « portes », etc.). Il faut rajouter à cela un effet de lent zoom pour y reconnaître un des procédés privilégiés de l’écran de veille et obtenir une vidéo hypnotique dans laquelle le regard ne cesse de s’enfoncer. Selon les images qui s’impriment sur les surfaces des gabarits et qu’ils filtrent comme un pochoir, se forment des maquettes de bâtiments modernes, une plateforme de jeu vidéo, des brochettes d’apéritif, des totems, une scène futuriste… des paysages incertains dans leur échelle et leur géolocalisation, dessinés par ces jeux aléatoires entre la figure et le fond, la forme et la matière.

Toute cette machinerie, ce « fabricatoire », mis en place par François Feutrie pour créer ce kaléidoscope de paysages pourrait être rapprochée de celle utilisée par Cellini pour épater son assistance. D’un coté, une sculpture figurative dramatisée par le halo d’une torche et sa mise sur roulettes donne l’illusion d’un être vivant, de l’autre, les ombres portées et les effets du Powerpoint font naître une multitude de paysages. Dans les deux cas, c’est une machinerie relativement désuète, qui bricole un effet pour la circonstance.

Chez François Feutrie, cette approche maniériste s’actualise à l’ère de l’économiseur d’écran. Les paysages du Fabricatoire ont clairement un air de famille avec ces images d’ameublement qui défilent sur les écrans plats et, sans y prêter plus attention, on pourrait croire à une animation entièrement numérique. Sans doute, l’ordinateur est-il aujourd’hui la réelle fabrique de paysages ; il suffit, pour s’en rendre compte, de jeter un œil sur l’iconographie que propose chaque système d’exploitation pour habiller ses arrière-plans : « forêts », « plages », « déserts », « cosmos » se mélangent à des animations abstraites nommées « arabesques », « shell » ou « spectrums »… Bien sûr, le Fabricatoire n’atteindra jamais la sophistication de ces images générées par les puissants calculs de la machine. On pourrait même déceler là une forme de résistance anachronique dans cette façon de refaire « à la main ». Mais encore une fois c’est la prise en compte de son environnement immédiat qui intéresse surtout l’artiste. Constant dans sa pratique, le bricolage repose sur la capacité à agir dans l’urgence avec les moyens du bord. Au cours d’autres résidences, François Feutrie a pu ainsi transformer des capots de voiture et une coupole d’aération en soucoupe volante (UFC, Unidentified Flying Cupola, 2012), ou encore construire une dizaine de cabanes avec ce qui s’offrait à lui lors d’un périple en Amérique du Nord et du Sud (« Cabanes & paysages ambulants en Amériques », 2010-2011). Pour le Fabricatoire, cet art de l’expédient lui permet de créer une multitude de paysages oniriques à partir d’objets triviaux : dans son petit théâtre d’ombres la surface d’un chou-fleur prend des airs de cratère lunaire.

Un plaisir de la trouvaille, donc. François Feutrie admet son goût pour les émissions de vulgarisation scientifique et leur façon d’illustrer les phénomènes les plus complexes avec les formes les plus simples. Récemment, il a ainsi animé en stop motion des petites sculptures en reprenant l’illustration de certains phénomènes de géologie : une avancée glaciaire ou une faille sismique (Vivarium, 2014). Comme pour le Fabricatoire, on ne perçoit pas tout de suite la technique archaïque qui met en mouvement les images. Ces vidéos en boucle ressemblent davantage aux schémas animés que l’on trouve au fil des déambulations sur Internet. De même, il faut lire les cartels pour comprendre que les maquettes sont réalisées avec les matériaux du faux standardisé : marbre en Vénilia, plan de travail en stratifié, sol PVC. Après les paysages de salon, la géologie de la cuisine :

un nouveau voyage halluciné dans la texture du quotidien.

Paul Bernard, 2014.

Né en 1983 au Mans, vit et travaille à Rennes

En résidence de novembre 2013 à janvier 2014.

> https://ddabretagne.org/francois-feutrie

En 2009, François Feutrie est diplômé de l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne – site de Rennes, après avoir obtenu différents diplômes en design graphique et en arts plastiques à l’Université de Rennes 2 et en géologie à l’Université des Sciences du Mans. Entre 2010 et 2012, il a réalisé une dizaine d’installations / cabanes aux États-Unis et en Amérique Latine. En 2012, il a participé à Panorama de la jeune création, Biennale d’art contemporain de Bourges et a exposé à Stanfordville dans l’État de New York aux États-Unis. Son travail se développe aujourd’hui à travers plusieurs expositions comme dernièrement au PHAKT – Centre Culturel Colombier à Rennes et à L’aparté lieu d’art contemporain à Iffendic. À l’automne 2016, il sera en résidence pour une création d’oeuvre dans le parc du Domaine de Kerguéhennec, Bignan.