Stéfan Tulépo


Vues d’atelier

Sélection de photographies prises durant la résidence

Répertoire de formes


Projet de résidence

La ville de Brest possède de nombreux centres d’intérêts liés à mes recherches plastiques :
– L’architecture et l’urbanisme
– Les espaces en latence
– Les habitations pavillonnaires
– Les ports industriels
– Son rapport à une culture traditionnelle
– Sa situation géographique, une multitude d’espaces variés dans un périmètre restreint


Photo documentaire

J’ai un intérêt tout particulier pour la modernité architecturale et sociale à travers ses traces, ses évolutions dans le temps, son rapport à la banalité. Brest est une superposition de constructions modernes et post-modernes. Les constructions neuves s’appuient principalement sur une architecture de quelques décennies contrairement à d’autres villes où la mixité des époques est plus étendue dans le temps.
L’agglomération Brestoise possède de nombreux quartiers et lotissements pavillonnaires d’après guerre à aujourd’hui. Je souhaite développer un travail d’observation de ces micros changements d’une maison à une autre, des évolutions de styles architecturaux et urbanistiques.
Ces espaces offrent une potentialité de pérégrinations importantes pour compléter mes typologies photographiques et pouvoir investir un projet plus conséquent.
Je souhaite également pouvoir explorer les nombreux sites en latence localisés dans différents endroits de l’agglomération, comme la zone portuaire, les anciens bâtiments publics, militaires et industriels, habitations individuelles… en attente de démolition ou de réhabilitation.
Depuis quelques années j’essaie de révéler des formes en creusant, gravant, dépoussiérant les différentes couches de matériaux modernes. D’une éraflure, d’une cassure, d’une tache je viens prolonger une forme en jouant avec les hasards que les matériaux, le temps, les couleurs, les textures, la poussière, le nombre de couches, les outils employés peuvent m’offrir. Il y a des liens évidents avec la fouille archéologique.
Après un mois de résidence je tiens à trier, collectionner mes objets et photographies collectés à la suite de mes différentes pérégrinations. Je continue mes expérimentations en sculpture comme le morceau d’un âtre de cheminée décliné en poteau électrique que je souhaite amplifier en érigeant la quasi totalité d’un poteau avec d’autres moulures de cheminée.
J’ai également récolté des anciens volets, morceaux de meubles en aggloméré que je vais creuser, graver. Jouer entre les familiarités des stratifications naturelles et artificielles restera une piste importante de mes recherches.
Mon projet d’exposition à ce jour n’est pas entièrement défini, il va se monter, se compléter de jour en jour grâce aux successions des rencontres, des réalisations de sculptures, de l’évolution de mes choix photographiques.
Afin d’accentuer ce processus de travail, avec l’aide de l’équipe de Passerelle nous fabriquons une horloge numérique réalisée en succession de photographies de numéros de rue ou chaque image correspond à une heure, minute, seconde passée à explorer la ville. La sélection d’images est un aperçu de mes expériences actuelles qui sera régulièrement mis à jour au fil de la résidence en collaboration avec Documents d’Artistes Bretagne.

Stéfan Tulépo, 24 mars 2014


Dans mon Jumpy 1.9TD
Exposition du 6 juin 2014 au 30 août 2014

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Vues d’exposition, photos © Aurélien Mole, 2014.

Stéfan Tulépo s’intéresse aux espaces communs, architecturaux comme sociaux, à travers traces et évolutions laissées par le temps. Ces pérégrinations dans l’urbanité brestoise, arpentée durant ses trois mois de résidence au volant de sa camionnette, l’ont mené à l’appréhender comme un millefeuille dans lequel gros oeuvre, éléments de décoration et bizarreries gestuelles se stratifient. Ici, un arbre a brossé le crépi d’une façade au gré du vent breton, là les murs d’une caserne désaffectée trahissent un espace de vie désormais arrêté…

Loin de se laisser aller à la simpliste fascination pour la mélancolie urbaine si présente dans la ville reconstruite, Stéfan Tulépo l’aborde à la manière d’un archéologue-poète pour récupérer puis transcender les formes de la banalité que recèle ce terrain de jeu. C’est en sculpteur, résolument engagé dans un geste plastique volontaire, qu’il s’empare des objets glanés. D’une éraflure, d’une cassure, d’une tache, il vient prolonger une forme en jouant avec les hasards que les matériaux, le temps, les couleurs, les textures, la poussière, le nombre de couches, les outils employés peuvent lui offrir.

Il excave ainsi des pierres de parement d’un ancien âtre les icones de l’urbain que sont les poteaux électriques et autres candélabres, sculpte les motifs récurrents des façades dans une série de volets dégondés ou encore se livre à la gravure minutieuse d’une rue de Brest à la surface d’un aquarium domestique.

Communiqué de presse de l’exposition


Ethos de l’utilitaire

Dans le rapport qu’ils entretiennent à leur environnement, on pourrait grossièrement distinguer deux catégories chez les artistes de ces quarante dernières années. Il y a d’un côté les routiers du désert, les bruleurs d’asphalte. On en trouve une belle illustration dans un calendrier réalisé en 1969 par l’artiste californien Joe Goode et intitulé « L.A artists in their cars » : Ed Ruscha, Larry Bell, John McCracken et autres y posent au volant de grosses cylindrées. Le monde se cadre par le pare-brise et les rétroviseurs ; l’habitacle de l’automobile se fait prolongement de l’atelier. D’un autre coté, il y a les « herboriseurs de bitume », les marcheurs invétérés des grandes mégalopoles : Francis Alys, Gabriel Orozco, Stanley Brouwn ou On Kawara. De flâneries en dérives situationnistes, la marche se conçoit comme épreuve de la ville par le temps. L’attention de ces artistes est entière pour les détails, traces, écarts. Ce qui se passe sous nos pieds prime sur ce qui a lieu devant nous.

En titrant son exposition Dans mon Jumpy 1.9, Stéfan Tulépo semble tenter une chimère de ces deux approches. En effet le Citroën Jumpy est un utilitaire, un véhicule entre l’automobile et la camionnette qui se destine généralement au voyage de proximité. Une voiture de facteur, de plombier ou d’électricien que l’on croise davantage au feu rouge que sur une aire d’autoroute. Derrière le volant de son Jumpy, l’artiste tient autant du chauffeur que du marcheur, comme une espèce de centaure, à la fois sur ses deux pieds et sur quatre roues. Un mode d’appréhension privilégié pour une archéologie poétique du terrain offert par la résidence : Brest et ses alentours, un bout du monde hybride qui compose avec l’urbain et le rural, entre « modernité et régionalisme » pour reprendre le titre d’un livre d’architecture fameux sur la Bretagne.

Autre intérêt évident de l’utilitaire, il permet d’avoir là, sous la main, tout de suite, les outils nécessaires à une intervention sur place, ou, dans le sens contraire, de saisir et ramener dans l’atelier. Le temps de sa résidence, l’artiste a photographié puis indexé ses photographies ; prélevé puis intervenu sur ce qu’il prélève ; intervenu sur place et photographié son intervention. C’est toute une logique du déplacement qui anime l’œuvre dans un va-et-vient permanent entre dehors et dedans, terrain et atelier. Un irrespect tranquille des frontières qui caractérise également une manière de faire de la photographie comme un sculpteur, de la sculpture comme un dessinateur, du dessin comme un performeur et finalement de la performance comme un photographe.

On trouve ainsi dans son exposition à Passerelle la photographie d’un mur recouvert de papier peint jaune. La présence d’un vieux radiateur suffit à indiquer un intérieur domestique défraîchi. Quelques gestes au cutter auront permis au mur de « s’ouvrir » en une farandole de bananes. L’icone pop (la banane ne peut manquer de renvoyer à la fameuse pochette du Velvet Undergound réalisée par Warhol), émerge de la découpe de papier (on pense à Matisse) dans une intervention contextuelle (et cette façon de « trouer » une architecture désaffectée pourrait nous faire songer à Gordon Matta-Clark). Si l’artiste connaît bien sûr toutes ces références, la conscience de leur invocation importe peu. Ce qui prime d’abord dans la perception de cette image, c’est la spontanéité joyeuse de l’intervention : quelque chose d’un expressionisme doux, la recherche d’une intervention minimale qui permet une rapide transfiguration du banal. Cette économie de l’intervention se retrouve dans la présentation, sur le sol, d’isolateurs électriques amassés pendant les pérégrinations de l’artiste. Ces formes arrondies, vertes et translucides qui peuplent l’arrière-plan de la ville autant que de la campagne, sont agencées ici pour former un petit bassin et advenir finalement à notre regard comme autant de nymphéas.

Ailleurs, l’artiste va découper et gratter de vieux volets pour y inscrire une série d’images entrevues dans la ville et en faire ainsi les dépositaires d’une mémoire urbaine. De même, il va sculpter des morceaux d’une vieille cheminée domestique pour y faire surgir les formes de l’espace public pavillonnaire (lampadaire, câblages, transformateurs) avant de les envisager ensuite comme un petit champ de ruines. Deux « pièces » caractérisées par un inachèvement, qui semblent suspendre un instant la disparition programmée de ces formes du commun. Une transformation que l’on retrouve dans une autre photographie documentant une intervention en plein air. Un tracteur a été en partie recouvert par les pierres de la carrière où il se trouve de telle sorte qu’il semble se fondre dans le paysage. Le véhicule semble tout autant s’extirper de la masse que disparaître en elle.

Porosité des espaces et des pratiques, transfert de qualité entre image, geste et volume, latence d’un devenir, et finalement métamorphose : il y a dans tout cela quelque chose de baroque. Mais d’un baroque de délaissés, invisible et que l’artiste s’emploie à révéler. C’est peut-être la leçon du Jumpy-centaure : déterritorialisés et à peine trafiqués, les formes les plus banales, les matériaux les plus quelconques, les zones urbaines les plus insignifiantes excèdent ce qu’elles sont pour acquérir, ne serait-ce que provisoirement, une puissance esthétique insoupçonnée.

Paul Bernard, 2014


Du 17 au 28 novembre 2014, Stéfan Tulépo a été accueilli en résidence au collège Louis Hémon de Pleyben, en partenariat avec la Drac Bretagne/ Ministère de la Culture et de la Communication et Passerelle Centre d’art contemporain, Brest.
Les créations processuelles réalisées par les élèves du collège ont été inaugurées le vendredi 28 novembre 2014 en présence de l’équipe
pédagogique du collège.

Le collège est un lieu de connaissance où les élèves apprennent à comprendre la diversité du monde qui les entoure. Le temps de quelques semaines, en résonnance avec la présence de l’artiste Stéfan Tulépo, il est devenu un lieu de création privilégié.
Au travers des séances menées avec les élèves de 5ème et de 3 ème du collège Louis Hémon, notamment dans le cadre de leurs enseignements d’arts plastiques, Stéfan Tulépo a proposé d’articuler à sa présence et au travail artistique engagé, un ensemble d’approches sensibles, permettant aux jeunes une relation à l’art sur un mode nouveau.
Accompagné du service des publics de Passerelle Centre d’art contemporain, les séances menées avec les élèves ont questionné les interstices liés à un paysage en devenir.
Le collège étant actuellement en chantier, les espaces de celui-ci se transforment, ainsi que ses objets. Stéfan Tulépo a choisi d’interroger au travers de films le rapport des élèves aux objets, notamment ceux du self, remisés, ou encore l’idée d’une archéologie contemporaine. Un ensemble de films en stop motion ont été produits ainsi que des photographies ou encore des dessins.

Par ailleurs, les élèves du collège de Pleyben sont venus à Brest visiter les expositions en cours à Passerelle Centre d’art contemporain.

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Né en 1989 à Vannes, vit et travaille à Muzillac et Glasgow

En résidence de mars à mai 2014.

> Site internet : https://ddabretagne.org/stefan-tulepo

Stéfan Tulépo est diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts Tours / Angers / Le Mans – site d’Angers en 2013. Il a participé à différentes expositions collectives, notamment au Château d’Azay-le-Rideau et dans des galeries à Angers et à Dundee en Écosse. Dernièrement, son travail a été exposé à la Pipe Factory à Glasgow ainsi qu’au Centre d’art de Neuchâtel en Suisse et à Passerelle Centre d’art contemporain à Brest dans le cadre d’un projet d’échange entre les deux structures.