Laure Mathieu


24 mai 2018

01

03

02

05

06

07
Montage de l’exposition en cours.


15 mai 2018

2018-05-24-1

2018-05-24-2

2018-05-24-4

2018-05-24-3

2018-05-24


24 avril 2018

IMG_4320

IMG_4323

IMG_4325

IMG_4341


23 avril 2018


11 avril 2018

IMG_4264

IMG_4230

IMG_4242

IMG_4256

IMG_4272

IMG_4276
Visite des commissaires Léo Marin et Radoslav Ištok du programme GENERATOR


4 avril 2018

IMG_4211

IMG_4219

La flotte bleue
Du 2 juin au 18 août 2018, Passerelle, Centre d’art contemporain, Brest

CACP-2018-Laure-Mathieu-003

CACP-2018-Laure-Mathieu-008

CACP-2018-Laure-Mathieu-011

CACP-2018-Laure-Mathieu-016

CACP-2018-Laure-Mathieu-017

CACP-2018-Laure-Mathieu-020

CACP-2018-Laure-Mathieu-021

CACP-2018-Laure-Mathieu-024

CACP-2018-Laure-Mathieu-025

CACP-2018-Laure-Mathieu-028

CACP-2018-Laure-Mathieu-031

CACP-2018-Laure-Mathieu-034

Vues de l’exposition « La flotte bleue »
Photo : Aurélien Mole © Passerelle Centre d’art contemporain, Brest.

Exposition du 2 juin au 18 août 2018
à Passerelle Centre d’art contemporain, Brest

Le titre de l’exposition personnelle de Laure Mathieu à Passerelle Centre d’art contemporain invite au voyage. Il évoque une armada azuréenne sur les flots de la Cité du Ponant. À  la lecture de celui-ci, en amont de la visite, on se verrait volontiers poétiquement embarquer sur un trois-mâts et appareiller pour quelque destination exotique.

En l’occurrence, la « flotte bleue » à laquelle fait référence la jeune artiste française est un regroupement d’espèces aquatiques qui évolue entre mer et air, entre deux mondes, deux éléments antagonistes qu’il participe à réunir, comme une frontière, comme un filtre. De leurs appellations latines « velella velella« , « physalia phisalys » ou encore « janthina janthina« , ces petits organismes bleus, à peine visibles, flottent à la surface des océans et errent au gré des vents.
Pour Laure Mathieu, ils constituent aussi bien un décor planté qu’une métaphore poétique et méthodologique de son projet. Car c’est bien de visibilité – et, de fait, d’invisibilité – et de dissémination qu’il s’agit ici.

Poursuivant une pratique de l’écriture et de la fiction qui, depuis quelques années, fonde son travail, l’artiste a choisi d’écrire une série de lettres anonymes adressées à différents acteurs de la ville de Brest : élus, blanchisseuses, visiteurs du centre d’art contemporain, etc. Et l’artiste de penser la diffusion de ces missives par le camouflage ou plutôt par la dissémination insidieuse dans l’espace urbain et social sur différents supports aussi inattendus que le ticket de tram imprimé ou le vêtement sérigraphié. Les lettres voyagent dans la ville au rythme des déplacements quotidiens des salariés de Passerelle. Pourront-elles être lues, déchiffrées par les brestois ? Peut-être, peut-être pas. Toujours est-il qu’elles habitent la ville.

Quant à leur contenu, il relève de la fiction ou de la réécriture d’histoire. Laure Mathieu part notamment du blockbuster hollywoodien Les Conquérants (1956) de Dick Powell dont les scènes extérieures furent tournées à proximité des zones d’essais nucléaires de l’armée américaine dans le désert de l’Utah. Exposés aux tempêtes de sable chargées en particules radioactives, plusieurs membres de l’équipe, y compris la star John Wayne, furent hautement contaminés jusqu’à développer des cancers. Histoire de dissémination et d’invisibilité, toujours.

Communiqué de presse de l’exposition

Révéler ou créer des continuités entre le monde humain et non-humain, le visible et l’invisible, tel est le projet de Laure Mathieu. Un projet ancré dans des recherches inspirées par les sciences, la littérature et la philosophie, prenant la forme de textes, de lectures, de vidéos et d’installations conçus comme autant de dérives imaginaires entre des pôles a priori antithétiques. Dans ses œuvres, ces passages entre différents règnes se jouent le plus souvent au cœur la perception optique, dans ses rapports au langage et au savoir, mais aussi au monde naturel, dont elle pense se détacher et s’extraire telle une mécanique optique désincarnée
Aussi, nul hasard si son exposition à Passerelle s’intitule, « La Flotte Bleue », appellation scientifique désignant des espèces aquatiques flottant entre mer et air, telles des filtres entre deux éléments antagoniques. Pour l’occasion, l’artiste a créé une constellation de références réunissant Galilée, John Wayne, Gengis Khan et Dick Powell autour de la perception conçue comme trait d’union possible entre des mondes hétérogènes. Leurs noms sont disséminés dans des lettres-récits imprimées sur des vêtements et des tickets de tram, respectivement suspendus sur des portants et posés au sol dans une salle plongée dans une semi-obscurité, ainsi volontairement situés au seuil de l’illisibilité et de la disparition. À quelques mètres de là, se trouve une étrange sculpture aux formes ovoïdes façonnée dans du liège, qui se révèle être de près une énorme paire d’yeux ayant servie de piédestal pour une lecture des lettres lors du vernissage et pouvant servir d’assise pour les visiteurs. Depuis ce lieu, on découvre la provenance  d’une musique résonant dans l’ensemble de l’exposition : il s’agit d’un extrait du film Le Conquérant (1956), diffusé sur un petit moniteur, où se jouent également des questions de visibilité et d’invisibilité. Réalisé en pleine guerre froide par Dick Powell, ce film met en scène la vie de Gengis Khan, figure historique dont il existe un seul portrait, une approximation trouble commandée après sa mort par son petit-fils Kubulai. Prêtant ses traits à l’empereur mongol, l’acteur américain John Wayne incarne ainsi un personnage énigmatique et originaire de ce qui deviendra une partie des territoires communistes, alors sujets de toutes les paranoïas aux Etats-Unis. Menace bien plus réelle et inconnue au moment du tournage : l’emplacement du film, dans l’Utah, se trouvait à proximité de zones d’essais nucléaires de l’armée américaine. En raison du climat difficile de cette région et d’une succession d’erreurs logistiques, trois-cent tonnes de sable chargé de particules radioactives ont été déplacées de ce lieu jusque dans les studios hollywoodiens pour la fin du tournage. Résultat : au cours de la décennie suivante, quatre-vingt-dix des deux-cent-vingt acteurs et membres de l’équipe sont décédés du cancer, y compris John Wayne et Howard Hughes, le producteur du film. En d’autres termes, un invisible (les particules radioactives) s’est ici rendu visible après coup.
Il s’agit là d’une sorte de « visible à retardement », faisant écho dans les lettres écrites par Laure Mathieu à Galilée, effets néfastes et destructeurs en moins. Et pour cause : en inventant le télescope au début du XVIIème siècle, le célèbre scientifique ouvrait l’œil humain à un nouveau champ de perception en même temps qu’il lui révélait tout ce qui lui restait inconnu, ses découvertes n’illuminant « pas tant les étoiles que les sombres profondeurs qui les entourent1 ». En cela, l’outil optique de Galilée prolonge l’opération fondamentale du langage, lequel découpe du visible sur fond d’invisible, ne venant pas nommer les choses une fois perçues, mais permettant au contraire de les percevoir et de les identifier à travers son prisme sémantique. Si, par ses opérations de découpes, la perception se place à distance du monde, elle se trouve néanmoins simultanément en relation de continuité avec lui. En effet, via la digestion de plantes, elles mêmes ingérées par des animaux et se retrouvant par exemple dans du jaune d’œuf, l’œil humain dérive les pigments de la lutéine, une matière organique protégeant la rétine de l’impact destructeur du soleil, dessinant ainsi un continuum épidermique avec l’univers végétal. Aussi, « tandis que le télescope permet de comprendre l’œil humain comme une composante d’un appareil complexe de perception combinant outils optiques, langage, théorie et relations de pouvoir, le fonctionnement de la [luétine] nous permet de faire un zoom arrière, pour ainsi dire, plus loin que les inventions humaines dont dépend l’œil, et de comprendre l’œil comme enchevêtré dans les processus biologiques de la matière organique2. » L’œil se révèle ainsi être un lieu de traduction et d’échange entre les règnes et les éléments, de circulation entre le visible et l’invisible, rejoignant en cela le souffle – dont on suit le trajet dans un corps, filmé au microscope et projeté sur un socle noir au sein de l’exposition –, processus vital à travers lequel chaque être se mélange au monde3, mélange au cœur même du travail de Laure Mathieu.

Sarah Ihler-Meyer, 2018

1Ben Wagner, « Metaphors of Sight », 2017, http://kvhbf.de/program/=material/164-beny-wagner-br-metaphors-of-sight
2 Ibidem.
3 Idée empruntée à Emanuele Coccia, La Vie des plantes. Une métaphysique du mélange, Payot & Rivages, Paris, 2016.


Portrait vidéo de Laure Mathieu réalisé pendant la résidence des Chantiers de mars à mai 2018.

Réalisation : Margaux Germain pour Documents d’Artistes Bretagne
© Passerelle Centre d’Art contemporain et Documents d’Artistes Bretagne, Brest 2018.


Née en 1991 à Paris. Vit et travaille entre Paris et Rennes.
En résidence de mars à mai 2018.

Site internet : http://base.ddab.org/laure-mathieu

Membre fondateur de l’association Le Praticable.
Membre du comité de rédaction de la revue Mandarine.

Le territoire balisé de l’art est pour Laure Mathieu le lieu d’une enquête linguistique. Elle la développe avec un large attirail méthodologique et expérimental fondé sur des principes de traductions, exégètes ou digressions réflexives, mis en forme dans des environnements, performances, textes, vidéos ou sculptures. Cette recherche sur le pouvoir déclencheur du langage, actionnant le passage des frontières entre le réel et l’espace de la fiction ou de l’art, pourrait se diviser en registres d’investigations pour lesquels sont examinées les figures d’intermédiaires que sont le conteur, le médiateur culturel, le modèle.
Les notions de conscience, de phénoménologie et l’interrogation des conditions d’une expérience subjective (qu’elle soit esthétique, patriotique, culturelle…) sont au coeur de son intérêt, notamment dans la manière dont ce savoir senti, vécu au delà du langage, peut être partagé – quels sont les outils de ce partage (métaphore, fictions) et comment il devient savoir commun, conscience collective.
Julie Portier, 2015.


J’ai une pratique de la vidéo, de la sculpture et de l’écriture. Depuis quelques années je travaille avec le format de la lecture publique, découvert avec des écrivains comme Nathalie Quintane ou Antoine Boute. Je m’intéresse à des questions liées au partage du savoir, à la relation à la fiction que celui ci entretient ; l’utilisation de l’oralité me place dans un rapport de continuité avec des figures comme le conteur, le conférencier mais aussi l’hypnotiseur. Le récit, emprunté à d’autres, mais aussi personnel, fictionnel, joue de son ambiguité entre outil poétique et outil de connaissance. Il m’arrive régulièrement de concevoir des performances qui mettent en relation un texte lu a voix haute et les objets accrochés dans l’espace d’exposition. Elles sont des formes mouvantes qui évoluent selon le système de monstration.
Mes histoires sont articulées avec un certain nombre d’éléments empruntés dans des champs très différents: sciences, neuroscience, littérature, philosophie. Tous ont en commun de faire usage de la narration, de la fiction pour essayer de cerner la nature de l’expérience intérieure. Le jeu est donc de télescoper toutes ces conceptions pour créer du sens, et interroger les conditions d’une expérience subjective (qu’elle soit esthétique, patriotique, culturelle…). Les renvois successifs entre le récit et les choses me permettent d’éprouver la nature transformatrice du langage. J’accorde aussi une grande importance à l’humour, qui me permet un rapport assez décomplexé et expérimental à ce que je met en jeu.
Les notions de conscience, d’expérience intérieure, de phénoménologie sont au coeur de mes intérêts, notamment dans la manière dont ce savoir senti, vécu au delà du langage, peut être partagé – quels sont les outils de ce partage (métaphore, fictions) et comment il devient savoir commun, conscience collective.