Alisson Schmitt


DOCUMENTATION ET PRÉLÈVEMENTS

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d’après Phanès, dieu orphique, IIe siècle après J-C, Modène, Italie

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Lucifer, dessin de Botticelli illustrant un épisode de la Divine comédie
de Dante, datation entre 1480 et 1495

vidéo des diffuseurs d’huiles essentielles

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Photos : Cultura, Nature et Découvertes, jeu de tarot.

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Dessin Alisson Schmitt

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Premier test de céramique


ATELIER ET MATÉRIAUX


WORKSHOP

Une proposition de Gwendal Raymond, danseur et artiste plasticien, sur invitation d’Alisson Schmitt, le 27 décembre 2018 à Passerelle, Centre d’art contemporain

Participants :
Marjolaine Abaléa
Mathilde Cormier
Juliet Davis
Anais Falgoux
Malo Guihard
Anne-Gaëlle Morizur
Bénédicte Morizur
Lucile Pentecouteau
Damien Rouxel
Alisson Schmitt


EXTRAITS DE TOURNAGE

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Angèle Manuali

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Gwendal Raymond


RESSOURCE YOUTUBE

Karmamousse
Du 2 février au 27 avril 2019, Passerelle, Centre d’art contemporain, Brest

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La plateforme, 2019
Installation, 9 tapis de yoga peints, 1 vidéoprojection couleur (20 min en boucle),
« Présence tempérance » (voilage rouge et bleu), « tatanes bleues » (céramique émaillée)

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Le vestiaire, 2019
« Veste de pendu » (tissu peint, dimensions variables), céramiques émaillées (dimensions variables),
tapis de yoga, diffuseur d’huile essentielle, brique de yoga en mousse, tissu, bois
Vues de l’exposition Karmamousse d’Alisson Schmitt à Passerelle, Centre d’Art contemporain, Brest.

Photo : © Aurélien Mole.

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Karmaflammes, 2019
Trois lampes en céramique émaillée (dimensions variables)
réalisées en partenariat avec l’EESAB – site de Brest

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La maison dieu, 2019
Briques de yoga en mousses peintes, diffuseur d’huiles essentielles

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Détails des œuvres

Photo : © Aurélien Mole.

Le titre de l’exposition personnelle d’Alisson Schmitt sonne comme la marque d’un de ces tapis aux propriétés ayurvédiques qu’on trouve chez Nature & Découvertes.

En jouant avec les méthodes et stratégies de consommation, la jeune artiste pose ainsi le décor d’une nouvelle situation au cœur de sa pratique qui, depuis plusieurs années, problématise, use et abuse des codes de ce qu’il est commun de nommer « le marché du bien-être ».

Karmamousse à Passerelle Centre d’art contemporain constitue, en quelque sorte, la fusion (au sens culinaire du terme) de deux champs iconiques de l’univers consumériste new age – le Hatha Yoga (très populaire en Occident moins pour ces vertus de libération spirituelle que physiques) et le tarot de Marseille (ou plus précisément ses arcanes majeurs) – choisis avant tout pour leurs qualités à la fois philosophiques et pratiques.

L’artiste nous convie dans un scénario de son invention dont nous sommes les participants. L’exposition devient espace à jouer et à pratiquer où les arcanes du tarot de Marseille se déroulent sur des tapis de yoga (enfin pas toutes, seulement celles qui portent traditionnellement des leggings), où la Tempérance et le Diable partagent l’affiche d’un docu-fiction avec une danseuse ayant vécu en Inde, le tout à la lumière lancinante des flammes.

Communiqué de presse de l’exposition

Exposition du 1er février au 27 avril 2019 à Passerelle, Centre d’art contemporain, Brest.


Karmamousse

Tout commence dans les vapeurs d’huiles essentielles, au son d’une flûte de pan. Lumière tamisée, légèrement colorée. À l’écran, Karmamousse s’écrit en de voluptueux déliés avant de s’évaporer en fumée, comme s’il avait été prononcé par la voix douce et enveloppante d’un coach bien-être. Il y a un vestiaire pour laisser ses affaires, une paire de claquettes en céramique abandonnée comme une incitation à se déchausser. Au sol, les tapis en mousse sont déjà déroulés. Mais leur surface colorée s’est parée d’une iconographie particulière ; celle du tarot de Marseille. Le Bateleur, le Diable, l’Empereur, le Pendu, la Maison Dieu sont autant de figures qui s’étirent sur ces cartes molles. Et puisqu’elles portent toutes des leggings, elles peuvent faire du yoga, assure Alisson Schmitt. Au sein de cette installation, que l’artiste a pensée comme un espace de relaxation, les cartes en mousse matérialisent d’entrée de jeu son idée : rapprocher le yoga postural du tarot de Marseille et entremêler les cheminements qu’ils dessinent vers la réalisation de soi. Et c’est au sein d’un film, sorte de docu-fiction, qu’elle poursuit cette intuition. Elle y distribue les rôles des arcanes à des ami·e·s, danseur·euse·s, artistes et propose de les embarquer dans un cours de yoga. En s’appuyant sur une série d’entretiens avec chacun·e d’entre eux·elles, le film se construit à la manière d’une divination où, tandis que l’on écoute attentivement ce que chaque carte veut nous dire, il faut se laisser porter par le récit de celle qui les tire.

Inspiration

En 1905, Georges Méliès réalise un de ses premiers films, Les Cartes Vivantes. À l’aide d’effets de montage, il agrandit des cartes à jouer jusqu’à ce qu’elles atteignent une taille humaine et que la reine et le roi parviennent à s’en échapper. Georges Méliès formule ici une corrélation entre plusieurs formes de magie et de manipulations, celles qu’il pratique quotidiennement, en tant que prestidigitateur, dans des tours de passe-passe mais aussi celles des effets spéciaux balbutiants que permet le cinématographe. À son instar, l’artiste distille avec Karmamousse une magie bricolée et un ésotérisme ancrés dans son quotidien. Dès son arrivée en résidence à Brest, elle a scotché une affichette dans la cuisine du centre d’art proposant un tirage de cartes du tarot à qui le souhaiterait, autour d’un café, loin du dispositif tamisé et solennel que pourrait suggérer une séance de cartomancie. De même, lorsqu’Alisson Schmitt décide de donner une épaisseur aux arcanes, de les faire sortir de leur carte, elle les fait incarner par ses proches. Angèle Manuali sera la Tempérance, racontant avec sagesse sa progression dans la pratique du yoga tandis que le danseur Gwendal Raymond incarne un Diable queer. Il danse pour la caméra, remuant délicatement ses doigts trempés de rouge, les paupières immobiles poudrées d’argent. Chaque fois que les personnages apparaissent à l’écran, ils sont accompagnés de leur carte maîtresse, une animation 3D qui virevolte dans les airs. Convoquant l’univers de la magie et de ses pouvoirs de lévitation, l’effet spécial rappelle autant les trucages de Georges Méliès que ceux d’une génération d’artistes travaillant avec des animations numériques « maison ». À cet égard, la figure de l’artiste américaine Shana Moulton plane sur Karmamousse, que cela soit par la mise en scène des artefacts et codes un tant soit peu new age du bien-être – lampes colorées et diffuseurs d’huiles essentielles compris – ou le bricolage vidéo qu’elle cultive au sein de ses films. « Je veux que mes vidéos aient l’air d’avoir été faites par n’importe qui, qu’elles disent ‘vous n’avez pas besoin de beaucoup d’argent pour créer de la magie’ 1». C’est aussi ce que suggère Karmamousse, la pratique quotidienne d’une pensée ésotérique qu’une jeune génération manipule aussi facilement que les images numériques, leur capacité à créer de l’illusion et de la divination à la maison. Nombre d’articles récents se sont d’ailleurs intéressés au penchant des « millenials » (cette génération née entre 1980 et 2000 avec l’avènement d’Internet) pour une spiritualité alliant notamment tarot et astrologie, qui leur est rendue facilement accessible via un web regorgeant de cours de yoga et d’horoscopes en ligne2.

Entre les séquences d’interview s’intercalent en fondu enchaîné les prises de vues réalisées pendant un atelier de pratique corporelle animé par Gwendal Raymond sous la nef du centre d’art brestois. Une petite dizaine de participant·e·s s’étirent, improvisent, roulent au sol, se distinguent au centre avant de se coller les un·e·s aux autres. À leurs mouvements alternativement méditatifs et enfiévrés se superpose la voix-off des arcanes ou de l’artiste. Comme dans nombre de ses travaux précédents, Alisson Schmitt joue avec le doublage et le décalage du geste et de la parole. On pense ainsi notamment à la performance Tenue de travail, réalisée en 2016, pendant laquelle elle commentait une exposition avec sa voix et ses mains, qui, couvertes de fond de teint, venaient progressivement tacher son tee-shirt blanc. Chez elle, il est toujours question de raconter, avec la voix-off, le sous-titre, ou la gestuelle, l’expression corporelle. À ce titre, une séquence de Karmamousse reste en tête, celle où la danseuse de Mohini Attam3 Brigitte Chataignier raconte bouche cousue toute une histoire par ses yeux, plissés puis révulsés, par la position précise de ses doigts. Le choix de rapprocher tarot et yoga s’inscrit donc dans la continuité de cette recherche sur la superposition et disjonction de la parole et du geste, l’un passant par la narration orale, l’autre par un enchaînement de postures. Entre ces couches, l’artiste a choisi d’incarner le pendu, figure dont le renversement du corps et du regard symbolise généralement le retrait et le détachement, une position qui permet l’observation et donc la narration. Suspendue par le pied, « le ciel devient son soutien» 4.

Expiration

En plus de jouer un rôle dans le récit qu’Alisson Schmitt développe, l’atelier de pratique corporelle de Gwendal Raymond a ceci d’intéressant qu’il documente un moment précis de la résidence à Brest qui ne semble pas avoir été particulièrement mis en scène pour la caméra. L’ensemble de la vidéo donne d’ailleurs à voir le contexte de production particulier qui a vu naître l’exposition car Alisson Schmitt déploie sa fiction en même temps qu’elle en raconte la genèse. En voix-off ou face caméra, elle fait état de la progression de sa réflexion, des étapes du projet comme on pourrait le faire dans un journal de résidence ou à l’occasion de rendez-vous réguliers de suivi, dispositif d’encadrement par ailleurs mis en place par Documents d’Artistes Bretagne et Passerelle. À cet égard, certains passages du film s’apparentent presque au portrait vidéo de l’artiste réalisé pour la documentation de la résidence5. Ainsi par l’adjonction de la vidéo et de l’installation, Karmamousse nous place simultanément face au résultat des trois mois de travail à Brest et au sein du making-off. Et il faut peut-être alors garder en tête que ce projet s’est construit jour après jour avec le tirage du tarot comme guide, permettant de s’orienter dans un futur proche. À travers cette pratique profondément narrative et projective, Karmamousse raconte la temporalité complexe qui est celle de la résidence d’artiste où le temps doit perpétuellement se maîtriser, la production se conter au quotidien.

Parce qu’elle fait intervenir ses amis dans des rôles qui empruntent à leurs habitudes, leurs pratiques et croyances, Alisson Schmitt crée une fiction documentaire qui se rapproche en certains endroits des travaux de Lola Gonzàlez. En orchestrant notamment des séquences dansées, elles semblent toutes deux s’intéresser à la « construction d’un mouvement partagé »6. Et c’est précisément ce que Gwendal Raymond dit vouloir générer à travers son atelier, des moments de transition, de navigation entre soi et le groupe, une idée qui se rapproche de la description que Giorgio Agamben fait de l’amitié : « la volonté de con-sentir l’existence d’un autre corps dans sa propre existence »7. Alisson Schmitt amène chacun·e des participant·e·s du film à tout d’abord accueillir l’existence d’un autre corps, celui androgyne ou acrobate que dessinent les arcanes ou celui, idéal, investi, vers lequel chacun tend en appliquant les postures du yoga, en dansant. Ils dessinent un corps fictif et progressivement un corps collectif. Et c’est le contrepoint intéressant que Karmamousse formule à la question d’une introspection prônée par les centres de relaxation et les ouvrages de développement personnel, boostée par les briques de yoga et les huiles essentielles. Le cheminement intérieur peut et doit croiser les sentiers d’autrui. Ainsi au néologisme de « Karmamousse » pourrait correspondre celui, dérivé de l’anglais, d’« outrospection » qui consisterait à se définir soi-même dans le développement d’une empathie pour l’autre, dans des relations renouvelées à l’environnement. Un prisme pour considérer la génération qu’Alisson Schmitt met en scène, qui envisage comme une activité collective la construction de son chemin de vie, qui partage et bricole des films en écoutant Mylène Farmer. Le film se conclut ainsi par une improvisation collective où cette dernière chante « j’ai rêvé qu’on pouvait s’aimer ». Et il n’y a rien d’ironique là-dedans. On peut se réaliser dans le tarot autant que dans une émulsion collective, pourvu qu’elle soit douce.

Elsa Vettier, février 2019

1 Shana Moulton citée par Jill Gasparina, « Another Green World, l’imaginaire du fond vert », Artpress 2, 2014, p.92
2 On pense notamment à l’article de Julia Beck, “The New Age of Astrology”, The Atlantic, janvier 2018
3 Danse sacrée originaire du sud-ouest de l’Inde.
4 Myriam Lefkowitz au sujet de la carte du pendu lors d’un tirage du tarot de Marseille pour la radio *DUUU, pièce #86, mars 2018. https://www.duuuradio.fr/episode/tirage-du-tarot-de-marseille-avec-myriam-lefkowitz?fbclid=IwAR1lNOk7QrWdhYcdLUQ_6eH891fcsUuhnmNqHxBgT0iqwXyI9tF4N-HKIxY
5 Vidéo réalisée par Margaux Germain pour Documents d’Artistes Bretagne : http://www.leschantiers-residence.com/alisson-schmitt-karmamousse/
6 Cécilia Becanovic et Baptiste Pinteaux, communiqué de presse de l’exposition de Lola Gonzàlez, « Roberto et les autres », galerie Marcelle Alix, 14.04.16 – 04.06.16
7 Ibid.

Portrait vidéo d’Alisson Schmitt réalisé pendant la résidence des Chantiers de novembre 2018 à janvier 2019.

Réalisation : Margaux Germain pour Documents d’Artistes Bretagne
© Passerelle Centre d’Art contemporain et Documents d’Artistes Bretagne, Brest 2018.

Alisson Schmitt KARMAMOUSSE

Arriver comme le Bateleur,
Faire un choix, d’abord le vestiaire ou l’on s’arrête à côté des traces laissées par Alisson Schmitt : un costume accroché là, un diffuseur d’huile essentielle qui éclaire une sandale, la deuxième un peu plus loin mais aussi des tapis et des blocs de mousses qui sont autant de mains tendues à la pratique du yoga. On se saisit d’un de ces tapis, intrigué par la mise en scène et on se dirige vers des lampes en céramique qui s’élèvent vers le ciel comme des flammes, on continue vers un totem fait d’un empilement de briques de yoga duquel un diffuseur d’huile essentielle émet une douce lumière rosée et des effluves apaisantes. On se sait dans la continuité du vestiaire. Après vient l’estrade, on y monte et on jette un coup d’œil : encore une paire de sandales, d’autres tapis peints aux effigies des figures du tarot de Marseille. L’invitation est claire, l’artiste nous convie à une séance de son yoga : on déroule son tapis, juste à côté d’une carte, c’est le bateleur qui comme nous est vierge de toutes ces mythologies et va nous accompagner dans notre parcours.

Rencontrer le Diable,
Sur l’estrade, on est face à un écran, on commence l’initiation, on comprend les mythologies du tarot de Marseille et les façons dont elles infusent dans le yoga postural. Le cours commence, on rencontre les figures et on apprend à les connaître. Le diable sera celui qui nous accompagnera vers notre autonomisation : c’est la voie de la réalisation proposée par l’artiste.

Partir comme l’Empereur.
On se relève, nous ne sommes plus à côté du bateleur mais à côté de l’Empereur, on descend de l’estrade et on prend du recul. De nouvelles choses apparaissent, on remarque alors les détails, on relie les éléments. Les lampes sont devenues Karmaflammes et éclairent d’un nouveau jour l’installation. Le totem prend la forme de la maison dieu et la séparation que cette figure suggère par le contraste entre ses formes et les vapeurs qui s’en élèvent trouve écho dans les plis de Présence tempérance, un grand voile qui borde l’estrade. Enfin ce costume accroché au mur du vestiaire, celui du pendu, celui de l’artiste, celui d’Alisson Schmitt. l’exposition comme un geste, comme une posture, comme une figure.

Texte de Louis Frehring, 2019

Née en 1992, vit et travaille à Rennes.
En résidence de novembre 2018 à janvier 2019.

Site internet de l’artiste : http://base.ddab.org/alisson-schmitt

Au cinéma, il y a tout un langage qui permet de décrire la manière dont la voix ou le texte se superposent à l’image. Ce sont précisément ces termes de doublage, de voix-off ou de sous-titre qui viennent à l’esprit lorsqu’il s’agit d’évoquer le travail d’Alisson Schmitt. On pourrait en effet dire qu’elle a doublé des expositions avec ses mains, couvrant son tee-shirt de fond de teint à mesure qu’elle évoquait les œuvres autour d’elle; qu’elle a été la voix-off d’un accrochage d’exposition, dictant ses règles hors-champ, ou encore qu’elle sous-titre ses vidéos comme elle parle, pour mieux les commenter ou dériver d’une histoire à une autre. Au sein des performances, vidéos ou installations de l’artiste, ces procédés ne cherchent pas à appuyer le sens de l’image ou à la rendre compréhensible ; ils s’amusent plutôt du décalage induit entre ce qui est dit et ce que l’on voit.
Parce qu’ils viennent s’ajouter sur l’image ou se placer en dessous, le doublage ou le sous-titrage instillent au cœur de sa pratique la question de la surface et des couches de représentation. En utilisant de manière récurrente le maquillage, Alisson Schmitt a joué sur la question de la stratification, de la transformation des apparences. Mais au-delà du règne cosmétique, il s’agit pour elle d’embrasser des images, qui, souvent issues de la culture populaire, ont été démultipliées, banalisées et dévitalisées, à l’instar d’un dessin inscrit derrière une bouteille de shampoing, ou d’une sculpture de l’Acropole d’Athènes reproduite à l’infini. Ajouter une couche de fard ou de narration est chez l’artiste une action de soin qui ne concourt pas tant au recouvrement de l’image qu’au dévoilement des fictions qui peuvent s’y lover.

Elsa Vettier, 2018